Cet article est illustré par Camille Henry, illustrateur scientifique !    
insta : @k_1000_henry    

Vous en avez sûrement déjà entendu parler, adulée par les uns et discutée par les autres, ce que nous appelons plus communément « la méditation »  et ses bienfaits sont des sujets à controverses. A en croire les articles de plus en plus nombreux sur les réseaux sociaux, la méditation aurait des vertus miraculeuses et pourrait guérir toutes sortes de maladies, comme par exemple la dépression, le cholestérol ou encore la « régénérescence des cellules ». Cependant, certains décrivent les exercices de méditation comme trop fatigants et ennuyeux, voire même inutiles, et d’autres pointent du doigt son caractère inaccessible à beaucoup d’entre nous, et en particulier aux enfants.

Mais tout d’abord, avant d’entrer dans ces débats, définissons ce que nous entendons par « méditation ». A-t-on besoin d’être un maître yogi pour la pratiquer ou bien est-elle à la portée de tous ? Et enfin, quelles sont les conclusions des études scientifiques qui ont étudié les effets de la méditation sur notre corps et notre cerveau ?

 

A. Qu’est-ce que la méditation ?

La méditation nous est tout droit importée des religions bouddhistes. Sa pratique se décline sous différentes formes selon l’époque, les lieux de pratique, ou encore les croyances personnelles. Autant de raisons et de pratiques qui rendent difficile de donner une seule définition à ce qu’est la méditation ! Les scientifiques proposent une définition consensuelle en considérant qu’elle peut être définie comme “une forme d’entraînement visant à améliorer les capacités mentales, considérée comme étant fondamentales d’un individu, telles que la régulation attentionnelle et émotionnelle”. (Ospina et al., 2007).

Elle peut alors se pratiquer selon différents exercices, comme par exemple en travaillant la rythmique de la respiration ou encore sur l’élaboration d’un état de pleine conscience (aussi appelé “mindfulness”). Ces mêmes procédés peuvent être utilisés dans plusieurs types de méditations, mais il est important de noter qu’ils seront intégrés et utilisés à des fins distinctes. C’est pourquoi nous allons nous concentrer dans cet article, sur un type particulier de méditation, nommée “la méditation de pleine conscience”.

La méditation de pleine conscience a eu un essor considérable dans les sociétés occidentales au cours des dernières années. Néanmoins le terme de « pleine conscience » est souvent utilisé à tort et à travers et mérite d’être mieux définie auprès du grand public. Ce type de méditation peut justement être définie par une “attention non critique aux sensations du moment présent” (Tang et al., 2015) et inclue différentes méthodes telles que les schémas de visualisation (ex : visualiser un carré pour accompagner notre respiration) afin d’entrainer la focalisation de l’attention sur les sensations corporelles et les sens physiques (ouïe, toucher, odeurs etc.), la respiration, le rythme cardiaque.

On peut d’ailleurs identifier deux stades de méditation de pleine conscience en fonction du degré d’expertise en méditation (Lutz et al., 2008).

  • L’attention focalisée (focused attention en anglais): Le but du premier stade est de se concentrer sur un objet unique (souvent la respiration) pour profiter de l’instant présent. Afin de maîtriser ce stade, trois savoir-faire sont indispensables. Le premier concerne la capacité à maintenir son attention sur un objet sans se laisser distraire. Le deuxième désigne le fait de savoir désengager son attention de l’objet distracteur sans continuer à s’impliquer dessus. Et enfin, le troisième est le fait de rediriger son attention sur l’objet premier. A force de pratique ce type de méditation deviendra de moins en moins pénible et compliqué et vous permettra d’accéder au second.
  • L’attention ouverte (Open monitoring en anglais) : Le second stade est accessible uniquement aux experts. En effet,  il demande de focaliser son attention, non pas sur un objet mais sur l’absence d’objet. Cela demande une grande maîtrise de son attention puisqu’il s’agit, en somme, de ne penser strictement à rien. En d’autres termes, cela équivaut à adopter un état de perception de soi à la troisième personne, comme si l’on se regardait vivre, respirer, mais sans y participer.

Ainsi, la méditation demande de grandes capacités de régulation et d’attention. Mais que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque l’on passe de débutant à expert ? Que se cache-t-il derrière ces informations et comment notre cerveau réagit-il à la pratique de la méditation ?

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A. Quels effets de la méditation de pleine conscience sur notre cerveau ?

 

Lorsqu’une personne médite en pleine conscience, elle fait automatiquement appel à des fonctions cognitives, dont certaines permettent à l’humain de planifier son comportement et ses actions. Parmi toutes celles-ci, trois sont particulièrement sollicitées et entrainées dans la méditation de pleine conscience :

  • Le contrôle attentionnel et inhibiteur: il s’agit de fonctions cognitives de base, très utiles au quotidien. Diamond et collaborateurs (2013), les définissent comme des fonctions qui permettent de résister aux automatismes, aux tentations, aux distractions ou aux interférences, et de s’adapter à des situations conflictuelles. Ces fonctions, sous-tendues par les réseaux exécutif et attentionnel (cf illustration ci-contre), qui impliquent notamment les zones préfrontales, le cortex cingulaire antérieur et le striatum, sont très importante dans le milieu scolaire. D’ailleurs, Diamond et al., (2013) ont démontré qu’elles étaient un bon prédicteur de la réussite académique et professionnelle.

 

 

  • La régulation émotionnelle: c’est une fonction dont le nom est assez univoque. En effet, c’est elle qui nous permet de gérer nos émotions, que ce soit la colère, la tristesse, ou encore la joie. Elle est associée à différentes zones cérébrales impliquant les réseaux de contrôle (régions préfrontales) et émotionnel (le système limbique dont l’amygdale, et le striatum).
  • La conscience de soi : il s’agit d’une fonction beaucoup moins commune et plus compliquée à définir. Néanmoins, les chercheurs la définissent telle que dans la définition bouddhiste, comme le fait de vivre en expérience avec soi-même (Tang et al., 2015). De manière plus concrète, les études mettent en évidence qu’une augmentation de la conscience de soi stimule entre autre une augmentation de l’estime de soi, une représentation personnelle plus positive ainsi qu’une plus grande tolérance envers soi et les autres (Tang et al., 2015). Les zones cérébrales sous tendant cette fonction cognitive sont impliquées dans des réseaux de contrôle, de mémoire, de jugement ainsi que des réseaux émotionnels. C’est pourquoi les études mettent en évidence entre autre des activations spécifiques du cortex préfrontal médial, le cortex cingulaire postérieur, le précuneus, ainsi que l’insula.

Pour s’assurer de la validité de ces résultats, Fox et al., (2014) ont étudiés les résultats observés en imagerie cérébrale via l’accumulation de plus de 30 études différentes, ce qui représente l’analyse de plus de 300 cerveaux. Ils se sont alors aperçus que les régions cérébrales citées plus haut étaient systématiquement activées lors de tâches de méditation !

En plus de ces trois fonctions clefs, selon certaines études, la pratique de la pleine conscience influencerait plus indirectement d’autres processus cognitifs. Parmi eux on compte la créativité, le coping émotionnel (i.e., la capacité à anticiper et détecter des agents de stress potentiels et à mettre en place des stratégies pour y faire face), ou encore la flexibilité mentale (i.e., capacité de passer d’une réponse à une autre afin d’inhiber les mauvaises réponses et sélectionner les bonnes) (Delelis et al., 2011; Ding et al., 2014; Müller et al., 2016; Rende et al., 2000; Wisner et al., 2010).

Il apparait alors difficile de douter des bienfaits de la méditation !

D’ailleurs, vous pourriez penser que cette amélioration cognitive serait utile au système scolaire … et bien, vous ne croyez pas si bien dire !

C. La méditation à l’école

 

On a souvent tendance à penser que la méditation est une activité trop coûteuse cognitivement pour des enfants, ou encore qu’ils ne peuvent pas trouver d’intérêt à “ne rien faire”. Mais ce n’est pas si sûr !

Une étude s’est attachée à faire un état des lieux des interventions de méditation de pleine conscience dans des collèges et lycées (Wisner et al., 2010). Les résultats de ces interventions ont tout d’abord montré que les élèves se sentent plus conscients de leur corps et de leurs émotions, ce qui leur permet de rester plus calmes dans des situations d’énervement. Par ailleurs, ils ont remarqué qu’ils sont plus attentifs en classe et ont davantage envie de travailler. Enfin, contrairement aux idées reçues, les enfants s’investissent beaucoup au sein des ateliers, et se lancent des défis vis-à-vis de la méditation ! En effet, plus les séances passent, et plus les élèves trouvent l’exercice facile et plaisant !

Ces résultats sont cohérents avec ceux sur discutés précédemment à propos des fonctions cognitives, puisque si les enfants pratiquent régulièrement la méditation, alors ils améliorent leurs compétences cognitives, et fournissent moins d’efforts pour utiliser ces fonctions. Si l’on suit cette logique, ils peuvent alors les utiliser plus facilement dans un cadre scolaire.

En liant l’utile à l’agréable, la méditation de pleine conscience est un outil de choix pour vous, professeurs, qui souhaitez faire au mieux pour vos élèves !

 

Pour aller plus loin …

 

Si vous souhaitez vous lancer dans l’utilisation d’exercice de pleine conscience, nous sommes bien conscient que cet article n’est pas suffisant. Il devient nécessaire de se former aux différentes techniques, mais voici quelques éléments qui devraient vous montrer que les exercices de méditation de pleine consciences peuvent être utilisés au quotidien à l’école !

– Il est possible de proposer aux enfants des petites séances entre 5 et 10 minutes (au moins une fois par semaine), sur des cycles courts de 4 à 8 semaines ; 

– Proposer un temps de discussion où les élèves peuvent parler de leurs difficultés ou de leurs interrogations concernant la méditation de pleine conscience ;

– Utiliser un support audio et/ou écrit. Vous pouvez vous inspirer de ceux fournis à l’adresse suivante : https://www.pleine-conscience.be/ressources/supports-audio-enregistrements-mp3-et-cd/

Pour conclure … 

 

Vous l’aurez compris, la méditation est un « sport de l’esprit » avec beaucoup de répercussions positives pour l’esprit. Qu’elle soit abordée selon le prisme des neurosciences cognitives ou d’un point de vue éducatif, elle regorge de bienfaits et d’avantages. Elle représente aujourd’hui un grand enjeu pour l’éducation, et plus particulièrement pour les enfants plus agités ou avec des troubles de l’attention qui seraient de grands bénéficiaires d’une pratique régulière (Zylowska et al. 2008). Il est cependant important de noter que cet article n’aborde que les interventions de méditation de pleine conscience, mais d’autres types d’intervention, telles que celles basées sur la méditation transcendantale, ont montré des résultats similaires  (So & Orme-Johnson, 2001).

Choisissez alors le mode de méditation qui vous convient le plus, encouragez vos proches, laissez vos préjugés au placard, et à mon top départ « 3, 2, 1, méditez ! »

 

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Bibliographie :

 

  • Delelis, G., Christophe, V., Berjot, S. & Desombre, C. (2011). Stratégies de régulation émotionnelle et de coping : quels liens ?. Bulletin de psychologie, numéro 515(5), 471-479.
  • Diamond A. Executive Functions. Annual review of psychology. 2013 Jan 3;64(1):135–68.
  • Fox N. Is meditation associated with altered brain structure? A systematic review and meta-analysis of morphometric neuroimaging in meditation practitioners. Neuroscience and biobehavioral reviews. 2014 Jun;43:48–73.
  • Lutz, A., Slagter, H. A., Dunne, J. D. & Davidson, R. J. Attention regulation and monitoring in meditation. Trends Cogn. Sci. 12, 163–169 (2008).
  • Müller, B. C., Gerasimova, A., & Ritter, S. M. (2016). Concentrative meditation influences creativity by increasing cognitive flexibility. Psychology of Aesthetics, Creativity, and the Arts10(3), 278.
  • Ospina, M. B. et al. Meditation practices for health: state of the research. Evid. Rep. Technol. Assess. (Full Rep.) 155, 1–263 (2007).
  • Rende, B. (2000). Cognitive flexibility: theory, assessment, and treatment. Semin. Speech Lang. 21, 121–153.
  • So, K. T., & Orme-Johnson, D. W. (2001). Three randomized experiments on the longitudinal effects of the Transcendental Meditation technique on cognition. Intelligence29(5), 419-440.
  • Tang H. The neuroscience of mindfulness meditation. Nature reviews Neuroscience. 2015 Mar 18;16(4):213–25.
  • Wisner, B. L., Jones, B., & Gwin, D. (2010). School-based meditation practices for adolescents: A resource for strengthening self-regulation, emotional coping, and self-esteem. Children & Schools32(3), 150-159.
  • Zylowska, L., Ackerman, D. L., Yang, M. H., Futrell, J. L., Horton, N. L., Hale, T. S., … & Smalley, S. L. (2008). Mindfulness meditation training in adults and adolescents with ADHD: A feasibility study. Journal of attention disorders11(6), 737-746.

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