Comment définit-on la créativité ?
Depuis de nombreuses années, il existe un large débat rendant compte de la difficulté à définir la notion de créativité, notamment à cause de la diversité des domaines dans lesquels l’habileté à créer est nécessaire. En effet, la créativité est spontanément attribuée aux métiers dits « créatifs » tels que les graphistes, les stylistes, les artistes, les designers, etc… mais elle est aussi nécessaire au quotidien, pour chaque individu, dès lors qu’il est confronté à un problème pour lequel il n’est pas possible d’appliquer une solution déjà toute faite. Barron (1955) fut l’un des premiers à postuler que pour être considérée comme « originale », une idée devrait être à la fois « rare » comparée aux idées proposées par un échantillon de référence, et en adéquation avec le cadre dans lequel se situe le problème afin d’y répondre de manière réaliste. Après de nombreuses controverses et discussions, la définition communément acceptée de nos jours intègre deux critères très proches de ceux proposés initialement par Barron (Lubart et Sternberg, 2001 ; Nijstad, 2015) : une idée créative est une idée « rare » et « appropriée » (i.e. parfois défini comme « faisable » ou bien comme « utile »). Dès lors, le processus créatif peut être représenté comme un ensemble d’étapes, qui s’étalent sur un temps plus ou moins long, allant de la compréhension de la demande (consigne ou appel d’offre) jusqu’à la réalisation de l’idée générée pour y répondre.
Qu’est-ce que le processus créatif ?
Initialement, Wallas (1926) a modélisé le processus créatif en quatre étapes : la première étape, la phase de préparation, correspond à des analyses préliminaires du problème permettant de définir la demande. Elle laisse place à la deuxième étape qu’est l’incubation, définie comme une période de relaxation pendant laquelle l’individu peut générer inconsciemment de nouvelles associations lointaines entre différents concepts. Vient ensuite l’illumination, qui correspond à la prise de conscience soudaine du travail effectué lors de la période d’incubation. Enfin, la dernière étape du processus créatif est une phase de vérification, dans laquelle l’individu évalue ses idées, les affine, puis choisit d’en développer une parmi toutes celles générées. Depuis cette première modélisation, de nombreux auteurs ont mis en évidence que ces quatre étapes n’étaient pas suffisantes pour représenter la complexité du processus créatif, et qu’il était tout à fait possible d’ajouter d’autres étapes en subdivisant encore celles présentées ci-dessus. Quoi qu’il en soit, l’individu passerait par de nombreuses étapes, tout en revenant sur certaines si nécessaire. Une fois les différentes idées générées, il conviendra de les évaluer, d’en choisir certaines, d’en affiner l’élaboration, et de les modifier afin d’en réaliser une en phase finale (Lubart, 2001).
La génération d’idées créatives est alors considérée comme une des premières phases du processus créatif, durant laquelle toute idée est acceptable (il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises idées), et seulement par la suite les critères d’utilité, de pertinence et de faisabilité entreront en jeu. Cela rejoint alors les deux types de pensées distinctes (pensée convergente et pensée divergente) proposés par Guilford, éminent chercheur de la psychologie de la créativité. Dans sa modélisation, Guilford différencie la pensée convergente, qui est l’habileté à converger vers une seule réponse pour répondre à un problème, de la pensée divergente, qui permet de répondre à un problème en cherchant des solutions dans un maximum de direction différentes. Alors que la pensée divergente permet d’explorer un maximum de voies de solutions possibles et augmente la probabilité de trouver une idée créative, la pensée convergente est nécessaire afin de proposer une idée ou un produit final.
Y a-t-il un seul type de créativité ou plusieurs types de créativité ?
Initialement, le processus créatif a été étudié à partir d’écrits de « génies créatifs » ou encore à partir d’études de cas d’individus reconnus comme créatifs. On faisait alors la différence entre la créativité notée grand « C », qui représentait la créativité d’artistes et génies créatifs, et celle notée petit « c », qui désignait la créativité des autres personnes. Mais à cette époque, il était aussi considéré que la créativité était une habileté « innée », qu’elle ne s’apprenait pas, et qu’elle était complètement automatique. Depuis, l’eau a largement coulé sous les ponts !
Donc bien que nous puissions avoir l’impression qu’être créatif en dessinant n’est pas la même chose qu’être un scientifique créatif, ou encore un individu lambda qui résout un problème du quotidien, l’approche cognitive qui ne date que des années 2000 a permis de modéliser et d’étudier la créativité autrement (Cassotti et al., 2016 ; Ward, 2007). En effet, cette approche considère que les mécanismes mis à l’œuvre lors de la génération d’idées créatives ou lors de la création d’un produit créatif seront les mêmes quel que soit le domaine d’activité. Bien sûr, lors d’une activité de dessin, des fonctions telles que l’imagerie mentale ou la motricité seront certainement davantage impliquées que lors de la simple génération d’idées. Dès lors, bien que les mécanismes mobilisés lors du processus créatif soient les mêmes quelles que soient les disciplines, ils seront donc plus ou moins prégnants selon le domaine d’application.